jeudi 7 février 2019

Le droit à l'erreur

La semaine des enseignantes et des enseignants tire à sa fin. Nous l'avons tous soulignée à notre façon et nous nous sommes félicités pour tout le travail que ne accomplissons au quotidien. Nous devrions se féliciter et se valoriser 52 semaines par année, mais la réalité quotidienne nous rattrape et nous sommes trop préoccupés par autre chose. C'est ainsi que la semaine des enseignantes et des enseignants se termine et nous continuons sur notre chemin long de 180 jours.

Chemin magnifique, mais qui n'est pas toujours parfait. Digne de nos routes québécoises, cette route est cahoteuse et parfois nous donne envie de rebrousser chemin. Pourtant, nous persévérons jusqu'à la fin juin, moment où la lumière du réservoir d'essence allume et où l'arrêt obligatoire à la station d'essence commence. Sur le chemin, nous amenons avec nous notre GPS (PFEQ, PDA et autres référentiels) pour être certains d'aller dans le bon sens afin de se rendre à notre destination correctement. 

Je ne suis qu'un enseignant en début de carrière, mais je vous admets que j'ai dû recalibrer plusieurs fois mon GPS. Il m'est arrivé très souvent de partir dans une direction qui finalement n'aboutissait à rien. C'était difficile pour moi tous ces détours, involontaires, qui se répétaient quelques fois par mois. J'étais certain que le chemin que j'avais choisi était le bon, mais non. Je commettais des erreurs à répétition et mon égo en a pris un coup. Je devais me rendre à l'évidence, je n'étais pas parfait et je commettais des erreurs. 

Ça a été difficile de l'admettre. Je ne voulais pas que ça paraisse. Nous sommes des bêtes étranges les enseignants parfois. Nous avons peur de faire des erreurs. Nous avons une idée de ce que nous voulons devenir comme enseignant et lorsque nous n'y arrivons pas il est difficile pour nous de l'admettre. Personnellement, je cachais mes erreurs, refusant de voir ces moments comme des opportunités incroyables d'apprentissage. M. Jason ne pouvait pas commettre d'erreur. Il est un enseignant sérieux qui se doit d'être un exemple pour ses élèves. Pourtant, j'étais tout sauf un exemple dans ces moments là.

Un jour d'octobre, alors que nous faisions une phrase du jour au tableau, un élève m'a posé une question plutôt bête à laquelle je ne m'étais jamais arrêté.

"M. Jason. C'est quelle classe de mots "très"?"

Très... Très. TRÈS?! Rapidement je suis tombé en mode "panique". Déterminant? Non. Verbe? Non. Nom commun? Non. Adjectif? Adverbe? Préposition? Conjonction? Comment cela pouvait-il m'arriver? 

Sans trop penser, j'ai répondu à mon élève une classe de mot sans en être certain. C'est à ce moment qu'une idée m'est venue. J'ai 20 dictionnaires au fond de la classe. Prends un dictionnaire, cherche le mot "très" et profite du moment pour expliquer aux élèves comment manipuler, chercher et lire un dictionnaire. Je l'ai fait.

"Très: adv. Indique un superlatif absolu (...)."

Je venais de commettre une erreur et mes élèves venaient de l'apprendre en même temps que moi. La honte! Au contraire, mes élèves ont apprécié que je fasse une erreur devant eux. Ils ont réalisé qu'à ce moment là, faire des erreurs est normal et tout le monde peut en faire. Leur rapport face à l'erreur venait de changer. Si M. Jason peut faire des erreurs et apprendre de celles-ci, eux aussi peuvent en faire et ce n'est pas grave. Mon rapport face aux erreurs a aussi changé. Depuis, je me permets d'en faire (pas trop souvent quand même ;) ) et j'utilise ces moments comme un opportunité riche en échanges et en apprentissages. 

Aujourd'hui, je suis beaucoup plus un exemple pour mes élèves que ce que j'étais avant ce moment là.  Les erreurs ne m'effraient plus et elles n'effraient plus mes élèves. Vaut mieux essayer et rectifier le tir que de le faire sans vouloir admettre qu'il y a mieux. En me permettant de me tromper, mes élèves n'ont plus peur de faire des erreurs. Ils réalisent qu'en les faisant, ils apprendront comment l'éviter et appliqueront cette stratégie la prochaine fois. 

Au Québec, nous sommes très compétitifs et nous voyons l'erreur comme un échec, une fatalité quelque chose de terrible. Cela peut nous mener à plusieurs difficultés dont l'anxiété. Pourtant, je fais des erreurs et je suis encore ici, devant mon écran, à vous écrire ce billet. J'ai appris de mes erreurs et j'ai aimé en faire. Elles m'ont permis de grandir, m'améliorer et développer de nouvelles stratégies plus efficaces avec lesquelles je réussis mieux. Je ne vous dis pas de faire des erreurs tous les jours, mais plutôt de les voir sous un autre oeil. 

La prochaine où vous ferez une erreur, arrêtez vous. Demandez vous s'il vaut vraiment la peine de cacher celle-ci à vos élèves. La réponse sera probablement négative. Si tel est le cas, avouez votre erreur et profitez de ce moment pour échanger avec vos élèves et pour apprendre avec eux. Vous verrez que c'est tellement plus plaisant! 

Parce que faire des erreurs, ce n'est pas grave.

J'en fais des erreurs et ce n'est pas grave.

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