vendredi 1 mars 2019

Pourquoi évaluer?

Pourquoi évaluer?
À quoi me sert l’évaluation des apprentissages?
Que représentent les pourcentages utilisés pour quantifier les apprentissages de mes élèves?

Ces trois questions m’interpellent tous les jours depuis ma première rentrée scolaire. Avant ce moment l’évaluation des apprentissages m’interpellait, mais j’écoutais ce qu’on me disait sans réellement la vivre. Mis à part mon dernier stage où mon enseignante associée me questionnait beaucoup et me mettait au défi lorsque l’on discutait d’évaluation des apprentissages, je n’avais jamais vraiment pris le temps de réfléchir à ce que je faisais. 

Deux étapes se sont écoulées depuis le début de l’année scolaire et pourtant je ne me sens pas plus à l’aise et compétent lorsque j’évalue en classe. Chaque période d’évaluation amène son lot d’anxiété, de comportements difficiles et de déceptions difficiles à avaler pour les élèves et moi. J’essaie par plusieurs moyens de réduire ces éléments. Par contre, j’en arrive à des constats après avoir vu un peu plus de la moitié de l’année scolaire défiler sous mes pieds.

  1. 1.La majorité de mes élèves vivent une anxiété de performance démesurée.
  2. 2.Plusieurs « échouent » alors que mon jugement professionnel me dit autrement.
  3. 3.Les réussites des élèves sont mises de côté et l’accent est mis sur les erreurs.
  4. 4.Le bulletin chiffré devient incompatible avec certaines méthodes d’évaluations.

En écrivant ces quatre constats, je réalise que mon jugement est peut-être biaisé par ma tête fraichement sortie de l’université où le monde de l’éducation n’est pas toujours celui que l’on rencontre une fois sorti. Malgré mes ambitions et mon idéalisme, je crois en mes constats et je cherche des solutions à ceux-ci. Quelques jours avant la publication de mon billet, le Conseil supérieur de l’éducation a publié un rapport dans lequel il fait des constats similaires aux miens. Je ne dois pas être trop « dans le champ » comme mes élèves s’amusent à dire! 

Ma vision de l’évaluation est qu’elle doit servir à ajuster nos enseignements. L’évaluation doit être au service de l’apprentissage, pas le contraire. Cette phrase, répétée par les conseillères pédagogiques de ma commission scolaire, m’a amené à changer mes pratiques évaluatives. Une bouchée à la fois, j’effectue de petits changements. Par exemple, j’ai commencé à intégrer des entretiens en mathématique et en français. Ces entretiens, me permettent d’accéder à la métacognition de mes élèves. J’arrive à réellement voir comment ils réfléchissent et quels procédés ils utilisent. De plus, j’essaie d’observer certaines choses à des moments ponctuels et précis dans ma planification. C’est encore un processus en développement, mais je trouve que ces observations sont riches pédagogiquement.



J’ai aussi réduit la quantité d’évaluations sommatives. Ces évaluations amènent énormément d’anxiété chez mes élèves et souvent ne me donnent pas un portrait juste des forces et défis de mes élèves. À mon avis, ces évaluations ne sont pas les seules méthodes et les seuls moyens de validation. Par contre, je crois fermement que ces évaluations sont nécessaires en fin d’apprentissage pour venir valider l’acquisitions des concepts et le déploiement de leur compétence. 

À mes yeux, le rôle d’enseigner et d’évaluer mérite une réflexion quotidienne. Afin de pouvoir toujours être efficaces et avoir un regard juste de nos élèves, il est essentiel que nous nous remettions en question. L’acte d’évaluer change tous les jours et nos élèves méritent à ce qu’on se questionne et que l’on cherche à avoir les meilleures méthodes. Toute la réflexion qui débute au Québec à propos de l’évaluation des apprentissages m’intéresse beaucoup. Je crois que la réflexion est nécessaire et la remise en question du bulletin chiffré, autant controversée soit-elle, nous amènera à trouver des solutions appropriées et innovantes pour poursuivre notre travail d’enseignant. 

Et surtout, n’oubliez pas. Nous en faisons assez. 
M. Jason


jeudi 14 février 2019

Leur donner le temps...

"As-tu pensé à vérifier ton pluriel dans ta phrase?
"Non."
"Peux-tu le vérifier?"
"Oui."
"Ok! Fais-le, je reviens tantôt!"

Vous êtes vous reconnu dans l'échange plus haut? Vous est-il déjà arrivé de poser des questions similaires à vos élèves afin de les aider, de les accompagner? Cet exemple d'échange m'arrive souvent et malgré toutes les bonnes intentions que j'ai, en prenant du recul je réalise que je n'aide pas mon élève tant que ça. Pourquoi? Parce que je ne lui pose pas de questions ouvertes.

J'entends déjà mon superviseur de stage 4 me répéter de travailler à poser plus de questions ouvertes. (Alain, si tu me lis, sache que j'essaie d'en poser le plus possible tous les jours! 😉) Si jamais tu n'as jamais entendu un tel concept, une question ouverte se définit par le genre de réponse qu'un répondant donnera. Sa réponse ne sera pas préétablie et la personne pourra s'exprimer librement en réfléchissant aux mots utilisés.

La semaine dernière, j'ai assisté à un atelier de travail/perfectionnement où le sujet du réinvestissement des connaissances des élèves en écriture a été discuté. Plusieurs soulevaient le point que les élèves n'arrivaient pas à réinvestir leurs connaissances en écriture lors d'une situation d'écriture où leur compétence à écrire était sollicitée. Nous sommes venus à la conclusion que les enfants ont de la difficulté à se remettre en question lors d'une période d'écriture et qu'ils ont beaucoup de difficulté à être autonomes pendant ces moments. Plusieurs ont besoin d'un support constant de l'enseignant(e) afin d'être rassurés de faire les bons choix et les bonnes corrections.

La discussion a éveillé un questionnement en moi. Pourquoi blâmer uniquement les enfants pour leur difficulté à réinvestir leurs connaissances? Ne sommes-nous pas à blâmer aussi? Les enseignant(e)s ont certainement une part de responsabilité?

En poursuivant mon questionnement interne, j'ai réalisé que nous donnons très peu d'occasions à nos élèves de réfléchir réellement à ce qu'ils font. Nous posons des questions fermées naturellement sans s'en rendre compte. Est-ce par souci d'efficacité? Par souci de rapidité? Ou tout simplement parce que Jonathan* est tombé de sa chaise et Michael* lance des effaces à son voisin et nous devons intervenir?

Peu importe, je m'éloigne du sujet. Désolé, mais les effaces lancées ça vient VRAIMENT me chercher...

En posant plus de questions ouvertes, nous suscitons la réflexion chez nos élèves. Nous les amenons à se questionner sur leurs actions et à trouver les solutions aux problèmes auxquels ils font face. Que ce soit en écriture, lecture, mathématique, peu importe, le questionnement dit ouvert permet à votre élève d'utiliser ses connaissances pour produire une réponse. Ce n'est pas toujours facile à faire et je suis le premier à oublier de poser de telles questions. Par contre, les quelques fois où j'ai utilisé ce questionnement là j'ai vu des remarques et des réflexions de haut niveau venir de mes élèves. 

Un questionnement ouvert sous-entend que le temps de réflexion sera plus long et la réponse n'arrivera peut-être pas immédiatement. Il faut résister à la tentation de poser une nouvelle question, fermée, qui donnera implicitement la réponse à l'élève. Plutôt, posez une nouvelle question ouverte afin d'approcher le problème d'un autre angle. Laissez le temps à votre élève de réfléchir. Je vous avertis. C'est difficile d'attendre! Je vous promets que ce sera payant pour vous et votre élève! Il sait comment répondre à la question, il a les connaissances nécessaires. Laissez-lui le temps de réfléchir et de placer les mots en ordre dans sa tête afin de produire l'énoncé gagnant.

Le questionnement ouvert est un art qui se développe, qui s'améliore et qui se travaille. Nous ne deviendrons pas tous experts de ce type de questionnement du jour au lendemain, mais chaque petit pas nous fait avancer dans la bonne direction. Chaque question ouverte développe l'autonomie de votre élève et le fait cheminer. Vous éviterez de dire implicitement la réponse à la question en la posant et votre élève devra réfléchir à ce qu'il a fait pour expliquer son raisonnement.

La prochaine fois que vous remarquerez que votre élève n'aura pas mis tous ses signes d'accords du pluriel dans un texte, essayez de poser une question qui ne se répond pas par oui ou non. La prochaine fois, votre échange ressemblera peut-être à ceci:

"Comment peux-tu m'assurer que ta phrase est sans erreur?"
"En vérifiant mes accords du nombre et du genre. En vérifiant mon verbe."
"Montre-moi comment tu ferais cela."
"Je trouve les noms et les groupes du nom..."

Si vous arrivez à poser au moins 1 question ouverte par jour, dites vous que vous en avez fait assez.

À la prochaine!



jeudi 7 février 2019

Le droit à l'erreur

La semaine des enseignantes et des enseignants tire à sa fin. Nous l'avons tous soulignée à notre façon et nous nous sommes félicités pour tout le travail que ne accomplissons au quotidien. Nous devrions se féliciter et se valoriser 52 semaines par année, mais la réalité quotidienne nous rattrape et nous sommes trop préoccupés par autre chose. C'est ainsi que la semaine des enseignantes et des enseignants se termine et nous continuons sur notre chemin long de 180 jours.

Chemin magnifique, mais qui n'est pas toujours parfait. Digne de nos routes québécoises, cette route est cahoteuse et parfois nous donne envie de rebrousser chemin. Pourtant, nous persévérons jusqu'à la fin juin, moment où la lumière du réservoir d'essence allume et où l'arrêt obligatoire à la station d'essence commence. Sur le chemin, nous amenons avec nous notre GPS (PFEQ, PDA et autres référentiels) pour être certains d'aller dans le bon sens afin de se rendre à notre destination correctement. 

Je ne suis qu'un enseignant en début de carrière, mais je vous admets que j'ai dû recalibrer plusieurs fois mon GPS. Il m'est arrivé très souvent de partir dans une direction qui finalement n'aboutissait à rien. C'était difficile pour moi tous ces détours, involontaires, qui se répétaient quelques fois par mois. J'étais certain que le chemin que j'avais choisi était le bon, mais non. Je commettais des erreurs à répétition et mon égo en a pris un coup. Je devais me rendre à l'évidence, je n'étais pas parfait et je commettais des erreurs. 

Ça a été difficile de l'admettre. Je ne voulais pas que ça paraisse. Nous sommes des bêtes étranges les enseignants parfois. Nous avons peur de faire des erreurs. Nous avons une idée de ce que nous voulons devenir comme enseignant et lorsque nous n'y arrivons pas il est difficile pour nous de l'admettre. Personnellement, je cachais mes erreurs, refusant de voir ces moments comme des opportunités incroyables d'apprentissage. M. Jason ne pouvait pas commettre d'erreur. Il est un enseignant sérieux qui se doit d'être un exemple pour ses élèves. Pourtant, j'étais tout sauf un exemple dans ces moments là.

Un jour d'octobre, alors que nous faisions une phrase du jour au tableau, un élève m'a posé une question plutôt bête à laquelle je ne m'étais jamais arrêté.

"M. Jason. C'est quelle classe de mots "très"?"

Très... Très. TRÈS?! Rapidement je suis tombé en mode "panique". Déterminant? Non. Verbe? Non. Nom commun? Non. Adjectif? Adverbe? Préposition? Conjonction? Comment cela pouvait-il m'arriver? 

Sans trop penser, j'ai répondu à mon élève une classe de mot sans en être certain. C'est à ce moment qu'une idée m'est venue. J'ai 20 dictionnaires au fond de la classe. Prends un dictionnaire, cherche le mot "très" et profite du moment pour expliquer aux élèves comment manipuler, chercher et lire un dictionnaire. Je l'ai fait.

"Très: adv. Indique un superlatif absolu (...)."

Je venais de commettre une erreur et mes élèves venaient de l'apprendre en même temps que moi. La honte! Au contraire, mes élèves ont apprécié que je fasse une erreur devant eux. Ils ont réalisé qu'à ce moment là, faire des erreurs est normal et tout le monde peut en faire. Leur rapport face à l'erreur venait de changer. Si M. Jason peut faire des erreurs et apprendre de celles-ci, eux aussi peuvent en faire et ce n'est pas grave. Mon rapport face aux erreurs a aussi changé. Depuis, je me permets d'en faire (pas trop souvent quand même ;) ) et j'utilise ces moments comme un opportunité riche en échanges et en apprentissages. 

Aujourd'hui, je suis beaucoup plus un exemple pour mes élèves que ce que j'étais avant ce moment là.  Les erreurs ne m'effraient plus et elles n'effraient plus mes élèves. Vaut mieux essayer et rectifier le tir que de le faire sans vouloir admettre qu'il y a mieux. En me permettant de me tromper, mes élèves n'ont plus peur de faire des erreurs. Ils réalisent qu'en les faisant, ils apprendront comment l'éviter et appliqueront cette stratégie la prochaine fois. 

Au Québec, nous sommes très compétitifs et nous voyons l'erreur comme un échec, une fatalité quelque chose de terrible. Cela peut nous mener à plusieurs difficultés dont l'anxiété. Pourtant, je fais des erreurs et je suis encore ici, devant mon écran, à vous écrire ce billet. J'ai appris de mes erreurs et j'ai aimé en faire. Elles m'ont permis de grandir, m'améliorer et développer de nouvelles stratégies plus efficaces avec lesquelles je réussis mieux. Je ne vous dis pas de faire des erreurs tous les jours, mais plutôt de les voir sous un autre oeil. 

La prochaine où vous ferez une erreur, arrêtez vous. Demandez vous s'il vaut vraiment la peine de cacher celle-ci à vos élèves. La réponse sera probablement négative. Si tel est le cas, avouez votre erreur et profitez de ce moment pour échanger avec vos élèves et pour apprendre avec eux. Vous verrez que c'est tellement plus plaisant! 

Parce que faire des erreurs, ce n'est pas grave.

J'en fais des erreurs et ce n'est pas grave.